45ème

VERVIERS-ARLES : 45 ans de cœur à cœur

Il fut un temps où les villes d’Europe occidentale se jumelaient à tour de bras. Verviers, forte alors de son présent lainier n’y manqua pas et se chercha quelque âmes soeurs à ce niveau. Exception à la règle : Arles qui fut comme un coup de coeur pour les Verviétois. Un étonnement pour les Arlésiens plutôt portés vers les mêmes habitudes et climats que les leurs. Ce jumelage, toujours très «animé», a été fêté en avril 2012. Ambiance...


Dimanche : ils débarquent


Nous les avons attendus avec impatience et il faut le reconnaître avec une certaine résignation. À quelle heure, mais à quelle heure allaient-ils arriver en ce soir du premier tour des présidentielles en France ? Parce que le car, puisque car il y avait, nous allions devoir le décharger et pas que de valises et autres bagages. Non seulement, Anne Rabet et le comité arlésien désiraient tenir marché provençal mais encore, avaient entraîné dans leur sillage deux artiste,l’un sculpteur et l’autre photographe dont les oeuvres allaient être installées au premier étage de la Bibliothèque centrale tandis que la vente de produits de terroir devait se dérouler sous ses arcades.

À notre grand soulagement, ils ont débarqué sans tambour ni trompette, mais bien avec tambourins, galoubets et boîtes à costume et seulement deux heures de retard sur l’horaire. L’Union française nous avait envoyé du renfort avec le porte-drapeau, Éric, son frère Serge et Ezra Gigandet, le fils de son président.

Et les paquets, les colis, les cartons de vin de passer de main en main jusqu’à l’ascenseur.
Et là, ce fut la crise ! Était-il, oui ou non, sous alarme ? Celle de "la Bibliothèque", pardi ! Finalement, notre vice-président Robert Constant prit la décision qui s’imposait : il poussa derechef sur le bouton et ... pas de vacarme, à mettre sur pied de guerre toute la ville et ses patrouilles de police. Pressés d’aller casser la graine et boire un coup, on s’engouffra donc dans la cage avec joie et soulagement. La mise en place se fera demain.

La collation de bienvenue avait été préparée par les deux Jacqueline et Lisette. Notre présidente Yvonne Giet-Lebeau avait quant à elle, mitonné un de ces potages dont elle a le secret.

Lundi : certains montent et d’autres descendent


J’étais, avec la présidente arlésienne, Anne Rabet, notre secrétaire Marcelle Salmon, notre menuisier Daniel Maquet ainsi que les deux artistes, du groupe préposé à l’expo. Nous attendîmes encore deux ouvriers de la ville, mais ce fut une charmante jeune femme qui se présenta, envoyée par Sophie, notre chef de programme à l’échevinat de Didier Nyssen. À mon grand regret, je dus lui dire qu’elle n’était pas vraiment de la même taille et que nous y suffirions pour l’accrochage. Il nous prit cependant la journée entière. Et quand ce fut fait, passa Camille Kairis dont les remarques expertes, nous fit corriger quelque peu le tir. À midi, nous déjeunâmes au Floréal où nos Arlésiens apprécièrent les gaufres à la crème fraîche. Et plus tard, nous nous aperçûmes que ce goût était partagé par les jeunes filles d’Escolo Mistralenco. Et pourtant, elles tenaient la ligne, elles !

De concert avec Yann, le photographe, nous nous bâtîmes avec les chaînes et les crochets pour suspendre aux cimaises ses «Quais de Rhône» tandis que Benito et son épouse Yolande ouvraient les caisses et déballaient, devinez quoi ? Des escargots, des oiseaux, des araignées, un auto-portrait, le tout en matériel de rebut, fait de pelles, pioches, cisaille et...boules de pétanque, les plus prisées étant de grosses lyonnaises. Jean-Bernard Barnabé, directeur de l’Académie des Beaux-Arts, se débrouilla quant à lui tout seul et comme un grand ! pour installer dans l’entrée les «Bords de Vesdre» des élèves du cours photo. Ces dernièrs seront vus en Arles au mois d’octobre.

Et pendant que nous montions, les autres après avoir appris le b.a.b.a du fromage de Herve, descendirent dans la mine. Tous devaient se retrouver pour le repas du soir à Wégimont où logeait l’ensemble. Il pleuvait et l’on regarda de loin les canards. Pas de tour de parc pour nous. Les Arlésiens admirèrent le château et s’étonnèrent de nous voir payer les bouteilles d’eau. En France, la présence du «château-la-pompe grand cru», est gratuite et va de soi.


Mardi : dansons sous la pluie !


Hélas, le temps ne sera jamais avec nous et compromettra notre commun défilé mené par les musiciens d’Escolo Mistralenco. Filmés par Télévesdre, mitraillés par les photographes de Vers l’avenir-Le Jour et de la Meuse, suivaient en cortège Sistke Gigandet portant le panneau «Verviers-Arles» fabriqué par Daniel, Charlotte Deplanck la demoiselle d’honneur de la Reine d’Arles, les mireilles et enfin les Arlésiennes dont la sobriété des costumes encore assombri par des châles noirs étonna le quidam verviétois. Les commerçants de notre bonne ville participant à notre concours de l’objet arlésien ( qui n’avait rien à faire dans leurs vitrines ), étaient aussi de sortie pour les applaudir. Sur ce, la pluie s’invita à la fête, gâchant les précieuses tenues ( en soie sauvage pour certaines ), mettant à mal les chaussons que nos ballerines avaient enfilés en pleine rue.
Nous fûmes très heureux de nous mettre à l’abri en rejoignant Anne, Raymonde, Alix,
Vivette, Yann et Benito qui depuis le matin tenaient le marché provençal, le vernissage de l’exposition devait avoir lieu début d’après-midi et il y eut foule.

Prônant la qualité pour un rapport prix intéressant, nos Arlésiens avaient soigneusement choisi leurs produits de bouche. Inutile de les chercher dans les grandes surfaces, ils n’y sont pas. Le vin du domaine familial de «L’Isle Saint -Pierre » fut mis en dégustation. C’est ainsi que l’on découvrit un remarquable blanc, un rosé et un rouge bien balancés. Le saucisson de taureau et celui d’Arles devinrent rapidement introuvables et l’on s’arrache olives et tapenades. Yann ouvrit les bouteilles d’une main de maître et Benito déborda de faconde méridionale. Ah ! mais, c’est qu’il fallait l’entendre tandis qu’Yvonne chevauchait sa réserve de parapluies. Médiathèque et bibliothèque vinrent faire leurs emplettes. J’amenai trois Mireille à la découverte de cette dernière et de m’apercevoir que l’une d’entre elles étudiait l’histoire de l’art. Elle avait espéré visiter le Musée Renier dont elle avait entendu parler. Il me fut impossible d’arranger la chose mais notre demoiselle est d’ores et déjà invitée à remonter. On lui mitonnera un petit programme de derrière les fagots. On dansa encore, cette fois à l’abri des intempéries.

Quartier libre ensuite à la poursuite du chocolat et réception officielle en notre hôtel de ville. Discours et cadeaux d’usage. C’est à qui se ferait photographier en compagnie de l’ambassadrice de charme d’Arles et, et...les Verviétois sirotèrent leur pastis tandis nos Arlésiens étanchèrent leur petite soif avec une bonne chope de bière. C’est, dans un jumelage, politiquement correct.



Mercredi : en circuit touristique


Il faisait toujours aussi moche quand nous mîmes le cap sur Stavelot, la ville natale de notre Vice-Président Robert Constant avant de nous rendre après le déjeuner à Bérinzenne (Spa).

Nous allions visiter l’abbaye et son groupe muséal. Les uns choisirent les petites autos, les autres Doisneau ou encore l’histoire merveilleusement illustrée des moines de St Remacle Nous en fréquentâmes l’auberge afin de venir à bout d’une solide portion de «boulets frites à la Liégeoise ». « Enfin des frites ! » nous dirent les Arlésiens en déplorant de ne pas en avoir mangés souvent. À Spa, nature presque encore hivernale autour d’un très instructif Musée de la Forêt. Mais horreur ! il y avait des animaux empaillés. Devant un petit Bambi, notre benjamine de neuf ans, Alice, en aurait bien pleuré. Heureusement le bernois de la maison était là pour la consoler. Anne, elle, succomba aux charmes d’un petit nounours à l’ancienne.

Retour par la cascade de Coo où un vent violent aspergea des fines gouttelettes les courageux venus l’admirer de près. Cramponnée à ma casquette et à mon appareil photo, j’ai suivi l’opération de loin.



Jeudi : la Maison Marabout


Pour ce dernier jour, tout le monde s’était mis sur son trente et un. Après un court passage en ville pour les derniers achats, nous devions déjeuner rue de Limbourg à l’IFAPME où Yvonne offrit la tournée. Son directeur était présent et ravi d’être assis à la droite de notre ravissante Charlotte. Formateur principal, Didier Habay arborait la coiffe de maître-coq. Comme de coutume, ce fut délicieux et les Verviétois réservèrent bien vite la salle pour le  dîner d’hiver fixé au 16 octobre prochain. Au moment du café, Charlotte, mise ainsi à contribution, procéda au tirage des gagnants du jeu de la bricole insolite.

L’expo démontée, l’on se dirigea vers le CTLM où nous attendait l’échevin du tourisme Maxime Degey ainsi qu‘Éliane Thomas, commissaire de l’exposition Marabout. Avec fougue et bagout, elle nous servit de guide. Maxime Degey nous avait proposé un rafraichissement dont il fit sauter en personne les bouchons. On l’accepta avec reconnaissance. C’était là le premier apéro de la soirée car nous devions nous rendre au Ranch à Stembert pour notre repas d’adieu. Escolo Mistralenco se produisit à nouveau et l’arrivée de Didier Nyssen fut saluée par de grand bravos. Notre échevin avait été opéré le matin même et portait le bras en écharpe. Comme il devait me l’avouer plus tard : anesthésie ou pas, il n’aurait voulu pour rien au monde ne pas en être.

De 40 à 45 ans, une belle différence. Je ne parle pas de tous ceux qui ont pris de la bouteille mais bien de la communication. Elle est devenue tout sauf simple. Et remettez donc sur le métier l’ouvrage. En dépit de toute l’aide apportée avec efficacité par les échevinats concernés : grands événements, culture et tourisme, nous avons pu constater que plus que jamais faire et défaire, c’était toujours travailler. Et travailler, nous l’avons tous fait sans ménager nos peines. Merci à toutes les forces de la ville et aussi de notre comité.




Récit : Viviane Bourdon.


Un jumelage : pourquoi faire ?


L’idée de lier des villes entre elles par un jumelage est née de l’effroyable gâchis tant humain que matériel occasionné par la Seconde guerre mondiale. Si les gens d’un pays à l’autre apprenaient par ce truchement à mieux se connaître pour se comprendre et faire table rase des préjugés, peut être éviteraient-ils d'en venir aux mains et aux armes dans une Europe enfin apaisée. Et Verviers de se jumeler...

Jusqu’à la fin des années septante, l’on voyageait peu et Arles, tout comme Verviers, apparaissait aux yeux des uns et des autres un comble d’exotisme et de dépaysement en échangeant la cuisine au beurre contre celle à l’huile d’olive et vice et versa.
On descendait donc une fois par an en Arles par cars (Léonard) entiers et eux remontaient en convoi avec parfois taureaux et chevaux. Aujourd’hui, le déplacement revêt un caractère plus intime. Il est un contact très personnel avec l’autochtone, une intégration individuelle à l’autre communauté. On montre comment préparer la tarte au riz et les frites en échange de navettes et de brandade.
À vider sa chope ou son pastaga (pastis)d’un même geste et surtout comme ils se doivent de l’être.
Un jumelage est vivre avec l’autre, chez l’autre, comme l’autre et pour l’autre. Lorsque Arles était sous eau, Verviers a collecté des fonds pour lui venir en aide. À charge de revanche ? Heu ! On préfère pas !


Notre jumelage a-t-il une longue histoire ?
Aux yeux de la Grande, bien sûr que non ! Aux yeux des hommes, bien sûr que oui ! Car il a été vécu par deux, trois générations qui s’en souviennent et peuvent en parler, en galéjer . Depuis 1967, c’est qu’on en a fêté des millésimes.
Il faut ici rappeler que dans les années 1980-1992, le jumelage avec Arles fut un peu l’affaire de René Faniel qui en tant que peintre était tombé amoureux de la lumière et du ciel de Provence. Il avait même ouvert sa propre galerie à Verviers pour y exposer ses toiles, paysages jaune genêt et bleu lavande. Jaune et bleu sont les couleurs d’Arles et tant qu’à faire, le vert de nos frondaisons copieusement arrosées et le blanc de nos ciels de pluie ne sont-ils pas à l’image de celles de Verviers ?

Verviers et Arles ont plus que jamais cette année du quarante cinquième anniversaire tout pour s’entendre. N’y-a-t-il pas entre nous un certain Jules César sorti des eaux et venu traîner ses bottes dans nos chers petits coins de terre ? Certes les origines gallo-romaines de Verviers ne peuvent soutenir la comparaison avec l’Arles antique mais nous pouvons nous flatter d’un passé qui fit de nous jusqu’en 1914 le centre mondial de la laine. Et notre présent «aquatique» intéresse beaucoup les Arlésiens pour qui les problèmes liés à l’eau sont essentiels. Encore une fois, les bords d’un fleuve imposant, le Rhône et ceux d’une rapide rivière, la Vesdre ne sont pas à confronter.